Femme de la Tech — Interview de La Steminista, ingénieure cybersécurité et dév Python Django

#1— C’est quoi Steminista ? Qui se cache derrière ? Pourquoi avoir lancé un blog et un compte Instagram ? 

La Steminista, c’est simplement la fusion des termes « steminist » et « pythonista ». Deux adjectifs qui me décrivent assez bien en tant qu’ingénieure informatique.

Pythonista, parce que, depuis quelques années déjà, j’utilise principalement Python dans mon travail et mes projets perso.

Et Steminist, parce que je suis convaincu que la contribution des femmes est primordiale dans les sciences dures ou les disciplines dites STEM (Sciences, Technologies, Engineering, Maths). 

En tant qu’ingénieure, j’ai eu l’occasion de collaborer sur des projets dans différents métiers et il est vrai que les femmes sont sous-représentées dans le milieu de la tech. Je pense que c’est un vrai gâchis et c’est l’une des principales raisons qui m’ont motivée à lancer mon blog.

Par ailleurs, la documentation et les contenus de formation sont principalement en anglais. Je me disais qu’un blog en français ne ferait pas de mal pour les francophones pour qui l’anglais pouvait être une barrière dans leur processus d’apprentissage. En bref, le blog et le compte instagram sont une façon comme une autre de transmettre, mais aussi d’apprendre de la communauté d’informaticiens présente sur les réseaux.

#2—Tu es ingénieure en cyber avec une spécialisation Python. Quel a été ton parcours ? 

J’ai appris les fondamentaux et les bases de l’informatique en école d’ingénieurs. C’était une formation assez vaste et généraliste mais tout à fait bénéfique. 

En travaillant, je me suis retrouvée dans des projets qui ont nécessité de mettre en place des solutions pour répondre à des besoins divers. Il fallait avoir plusieurs casquettes et c’est comme ça que je me suis tournée vers Python. 

Je pouvais faire de l’automatisation pour les tâches quotidiennes, mettre en place des solutions web avec Django notamment (un Framework puissant basé sur Python) et je profitais des nombreuses librairies qu'offrait Python pour réaliser entre autres des statistiques et de la visualisation de données. Pour faire court, il fallait être polyvalent, rapide et efficace, et Python était un peu mon couteau-suisse.

Après quelques années, j’ai décidé de me spécialiser. Je me suis alors orientée en sécurité informatique. La formation que j’ai suivie a consolidé mes acquis d’informaticienne généraliste, dans le domaine de la sécurité des systèmes d’information. J’y ai appris à concevoir des systèmes et des solutions robustes et sécurisés, en prenant en compte les aspects techniques, organisationnels et juridiques.

#3—Qu’est-ce qui t’a attiré vers cette profession ? 

Les premiers cours d’algorithmique ont été un tournant. J’ai adoré résoudre des problèmes concrets en utilisant des logiques de programmation. Et c’est comme ça que je me suis orientée vers les sciences informatiques.

J’ai eu l’occasion de faire des stages dans différents secteurs et c’est l’une des choses que j’aime le plus en informatique. On apprend continuellement en collaborant avec différents corps de métiers. Ces expériences professionnelles m’ont conforté dans l’idée que c’était ce que je voulais faire.

#4—Qu’est-ce que tu fais concrètement ? À quel moment fait-on appel à toi ?

En tant qu’ingénieure en cybersécurité, cela veut dire que je contribue à la sécurisation et la protection des systèmes d’informations contre les incidents et les attaques malveillantes.

Je travaille actuellement au sein d’une équipe chargée de la conception et de la sécurisation des systèmes d’information. 

Il est aussi important de sensibiliser les utilisateurs de façon continue, pour qu’ils apprennent à avoir les bons réflexes face aux dangers qui peuvent menacer l’entreprise.

Mon boulot est de protéger les données et le patrimoine informationnel de l’organisation. Pour cela, il faut réfléchir à une stratégie et la mettre en place à l’aide des moyens techniques et organisationnels mis à notre disposition. 

Pour faire simple, construire une stratégie sécurité revient à analyser les risques auxquels l’entreprise est exposée, pour ensuite définir et implémenter des politiques de sécurité. 

Il est aussi important de sensibiliser les utilisateurs de façon continue, pour qu’ils apprennent à avoir les bons réflexes face aux dangers qui peuvent menacer l’entreprise.

#5—La sécurité est un sujet qui devient de plus en plus central dans l’actualité informatique, mais reste pourtant assez impopulaire en France, pourquoi selon toi ? 

A mon avis, il y a plusieurs facteurs.

-        Notre imaginaire ou l’idée qu’on se fait de la sécurité informatique : Dès qu’on parle de cybersécurité, on pense à un jeune homme en hoodie mi-fou mi-génie, planqué dans une salle sombre prêt à répandre le chaos.

-        L’apparente complexité du sujet : La sécurité est liée à l’insécurité que l’on ressent face à un sujet vaste qui paraît de prime abord trop compliqué à appréhender. Et ce n’est pas la faute de monsieur et madame tout le monde. Les experts en cybersécurité s’adressent principalement à leur communauté. Pour beaucoup, c’est un univers qui semble réservé à des initiés qui parlent leur propre langage.

-        Le sentiment de ne pas être responsable : On se dit que la sécurité est l’affaire exclusive du constructeur du produit ou du fournisseur de service.

-        La tendance à sacrifier la sécurité au profit d’une expérience utilisateur plus fluide et plus rapide.

Beaucoup d’entreprises ne mesurent pas l’importance de ces « peut-être » et ne veulent pas investir en fonction de ces prédictions. C’est humain mais ça peut coûter cher. On constate parfois que, tant qu’elle n’a pas été attaquée, une entreprise ne mettra pas tous les moyens pour se protéger. 

#5—On constate une importante recrudescence de pannes et de cyberattaques à travers le monde, avec des impacts importants, comment se fait-il que les entreprises soient aussi vulnérables ? 

Tout d’abord, la sécurité est un investissement basé sur des prédictions. En d’autres termes, on construit une stratégie de sécurité sur des scénarios décrivant la probabilité que la société soit « un jour », « peut-être » attaquée. 

Beaucoup d’entreprises ne mesurent pas l’importance de ces « peut-être » et ne veulent pas investir en fonction de ces prédictions. C’est humain mais ça peut coûter cher. On constate parfois que, tant qu’elle n’a pas été attaquée, une entreprise ne mettra pas tous les moyens pour se protéger. 

Mais fort heureusement, les choses changent avec les lois et les nouvelles réglementations en vigueur qui font en sorte que les entreprises prennent la question plus au sérieux.

Par ailleurs, on sait que le facteur humain est la principale source des incidents cybers. La sensibilisation et la formation des collaborateurs, à tous les niveaux, est centrale et ne doit pas être prise à la légère.

On pense aussi que la sécurité est une action ponctuelle, alors que c’est un processus en permanente évolution. Les risques doivent être réévalués, les réponses aux menaces et les politiques doivent être constamment mises à jour.

Enfin, le risque zéro n’existe pas. Les experts sécurité veillent principalement à réduire les risques d’incidents autant que possible et c’est un processus continuel. En d’autres termes, c’est une guerre perpétuelle entre les experts chargés de protéger l’entreprise et les hackers malveillants.

#6—Selon toi, qu’est-ce qu’il faudrait mettre en place pour mieux sensibiliser à la sécurité ? 

L’humain est au centre de toute stratégie de sécurité. L’objectif de la sensibilisation à la sécurité est d’instaurer une culture de la cybersécurité. Il est important de mettre en place des formations et des techniques de sensibilisation à la cybersécurité efficaces en entreprise. Il faudrait par exemple :

  1. Produire une charte informatique de qualité, qui fixe les droits et les devoirs de chacun, est indispensable. Celle-ci doit être claire et facile à comprendre pour les profils non-techniques.

2. Sensibiliser tout le personnel en continu. Les technologies et les techniques d’attaques évoluent rapidement et les collaborateurs doivent être au fait des différents types de risques qui peuvent menacer l’entreprise.

3. Améliorer les modes de communication et vulgariser les concepts techniques au maximum. Les utilisateurs ont besoin de les connaître, pour mieux se protéger, et protéger leurs données. Il faut expliquer aux utilisateurs qu’ils peuvent choisir entre être le problème ou la solution.

4. Rendre la formation ludique et interactive. Au-delà des présentations classiques, on peut se montrer créatif, impliquer les utilisateurs et mettre en place des exercices de simulation ou des ateliers incluant des jeux, des mises en situation et des quizz, et s’assurer que les informations ont été correctement assimilées.

5. Être bienveillant en tant que formateur :

  • Eviter le sarcasme ;
  • Savoir adapter son discours en fonction du profil et du niveau de responsabilité de chacun ;
  • Se montrer ouvert et disponible et instaurer un climat de confiance pour que les collaborateurs posent toutes leurs questions.

#7—Qu’est-ce qui selon toi fait un-e bon-ne ingénieur-e ? 

Pour moi, les qualités principales d’un-e bon-ne ingénieur-e sont la curiosité, la créativité, l’envie d’apprendre et la capacité de s’adapter. Un-e ingénieur-e est une personne qui aime relever des défis et résoudre des problèmes. Iel est capable d’avoir une vision claire de ce qu’il veut faire et de comment y parvenir. 

C’est aussi quelqu’un qui peut collaborer et travailler en équipe. Concernant les ingénieur-e-s spécialisé-e-s en cybersécurité, avoir un sens moral sans faille est capital, en particulier chez les hackeurs éthiques ou les pentesters.

#8—Qu’est-ce qui est un bon environnement de travail pour toi ?

Selon moi, un environnement de travail sain, c’est avant tout de la flexibilité et de l’agilité pour les employés en leur donnant plus de liberté concernant leur façon d’organiser leur travail. C’est aussi pouvoir communiquer facilement autant entre collaborateurs qu’avec la hiérarchie.

#9—Quels conseils donnerais-tu aux recruteurs et aux entreprises pour mieux recruter/engager des profils techniques ?

J’aurais deux conseils :

-        Donnez leurs chances aux passionnés, même s’ils n’ont pas le nombre « parfois irréel » d’années d’expérience requises.

-        N’oubliez pas les softs skills. Évidemment avoir des capacités techniques est important, mais une bonne recrue est une personne capable de se former, de s’adapter à de nouvelles technologies, de communiquer et de collaborer au sein d’une équipe.

#10—Quelque chose à rajouter ?

L’informatique n’est pas réservée exclusivement à des élus cracks en mathématiques. L’informatique offre un éventail de possibilités et d’opportunités quasi-infini. On peut apprendre un langage de programmation, écrire des programmes, coder des applications avec un niveau basique en maths. Si ça vous intéresse, lancez-vous ! Les ressources pour apprendre sont illimitées, il suffit de le vouloir.

Pour suivre La Steminista
Le blog : https://lasteminista.com/
Le compte Instagram : https://www.instagram.com/lasteminista/


Mothiv'Her : le cocon des professionnelles de la Tech

Cette semaine, nous avons sorti l’article « Comment attirer et retenir plus de talents féminins dans les secteurs Tech ? ».

Pour répondre à ce sujet, pendant plusieurs mois, nous avons recueilli les témoignages d’une vingtaine de professionnelles et étudiantes ainsi que plusieurs organisations engagées dans la diversité et l'inclusion telles que Ada Tech School, Les Codeuses, Willa, Girls Can Code, Motiv'Her

En plus de l’article, retrouvez les interviews complètes de :

Découvrez l'interview de l'équipe Motiv'Her

Motiv’Her est une communauté de professionnelles de l'informatique. Au travers de différentes actions d'entraide - ateliers de revue de CV, conseils techniques, pratiques - les membres de la communauté peuvent échanger librement et se soutenir dans le développement de leur activité.

#1 Pouvez-vous présenter Motiv'Her et ses actions ?

Motiv'her c'est avant tout un cocon. Cette notion nous tient vraiment à coeur. Un endroit de bienveillance, d'ouverture d'esprit, d'entraide, de soutien et d'évolution permettant à chaque membre de se nourrir des expériences des autres.

Elle est constituée de 9 mentors, développeuses aux parcours divers mais animées par la même volonté : celle d'aider leurs pairs.

Il existe différentes actions en place comme des ateliers de revues de CV, du contenu sur les réseaux sociaux avec des conseils pratiques, techniques.

Le coeur de Motiv'her c'est sa communauté, un serveur Discord où chaque membre peut participer librement et échanger avec les autres.

#2 Pourquoi avoir créé Motiv'Her ?

Motiv'Her est né de plusieurs constats :

  • dans les communautés de devs déjà existantes, il y a beaucoup de monde mais les femmes ne s'expriment pas toujours, préférant souvent le contact par message privé. En créant un espace à leur destination, peut-être se sentiront-elles plus à l'aise pour s'exprimer.
  • partager des actions individuelles au plus grand nombre. Plusieurs des mentors accompagnaient, en privé, des femmes. L'idée, c'était de regrouper les gens afin de pouvoir faire bénéficier à toutes de ces démarches individuelles.
  • pour créer un espace où chaque femme pourrait se sentir en sécurité, libre de s'exprimer, libre de partager leur expérience aux autres et inspirer les autres.

#3 Bien qu'on fasse complètement partie de l'histoire de l'informatique, qu'est-ce qui fait qu'on soit aujourd'hui si peu de femmes dans ce secteur ?

Cette question est très intéressante, c'est un peu le coeur du problème. Qu'est-ce qui nous a amené à cette situation ? Je pense que cela vient de la société, de l'éducation. Pour certaine, ce parcours n'est parfois simplement pas envisagé, pour d'autres, elles ont connus des obstacles les détournant de cette voie. Il y a donc forcément quelque chose qui ne se passe pas bien à un moment donné.

#4 À quelles difficultés les femmes font-elles face dans leur parcours ?

Certaines peuvent rencontrer du sexisme ordinaire, un manque de considération, de prise au sérieux. Il n'y a qu'à voir l'absence de femme à des postes à responsabilités dans la tech.

Peut-être parce que personne ne leur propose ces postes, peut-être aussi parce qu'encore aujourd'hui les femmes gèrent aussi leur ménage et qu'il apparait difficile d'être une "bonne femme de maison" avec une carrière à forte responsabilité.

#5 Selon vous, qu'est-ce qu'il faudrait faire pour motiver davantage les femmes à rejoindre des filières Tech et à y rester ?

Leur parler, leur montrer l'exemple. Il faut que les femmes de la tech soient plus visibles. Naturellement les femmes ne se mettent pas en avant, ne se montrent pas, ne crient pas leur victoire, c'est un tort. On devrait montrer à tout le monde que c'est possible.

Il faut aussi plus d'égalité de salaire et d'opportunités pour accéder à des postes à responsabilités.

#6 Quelles sont les mesures concrètes que les entreprises devraient mettre en place pour lutter contre le sexisme ?

Changer leurs dirigeants.... Plus sérieusement, si les entreprises étaient dirigées par des personnes bienveillantes, alors il n'y aurait rien à faire de particulier. Si chaque personne était valorisée à sa juste valeur, homme ou femme, payée à sa juste valeur et accédait aux opportunités qui lui correspondent, alors il n'y aurait pas de sexisme.

Le sexisme n'existe que parce que des gens propagent et agissent de façon sexiste. Donc tant que les mentalités n'évolueront pas chez les dirigeants, RH des entreprises alors il n'y a rien de concret à faire.


Ada Tech School, l'école d'informatique qui (re)féminise la Tech

Cette semaine, nous avons sorti l’article « Comment attirer et retenir plus de talents féminins dans les secteurs Tech ? ».

Pour répondre à ce sujet, pendant plusieurs mois, nous avons recueilli les témoignages d’une vingtaine de professionnelles et étudiantes ainsi que plusieurs organisations engagées dans la diversité et l'inclusion telles que Ada Tech School, Les Codeuses, Willa, Girls Can Code, Motiv'Her

En plus de l’article, retrouvez les interviews complètes de :

Découvrez l'interview de Salomée David-Baousson, Brand Content Manager chez Ada Tech School.

Ada Tech School est une école d'informatique qui s'est donnée pour mission de faciliter l'accès aux métiers du code et de promouvoir la féminisation des disciplines de la Tech.

Le spécificité de cette école ouverte à tous-tes est de proposer aux apprenant-e-s une formation qui déconstruit les biais genrés et culturels de l'informatique.

#1 Pouvez-vous présenter Ada Tech School et ses actions ?

Ada Tech School est une école d'informatique d'un nouveau genre, qui délivre une formation en 2 ans. Elle repose sur une pédagogie alternative inspirée de celle Montessori : elle enseigne le code à ses apprenant·e·s dans un environnement féministe et bienveillant. Elle met en place des actions concrètes pour permettre un véritable épanouissement des apprenant·e·s, notamment en évitant une notation traditionnelle et en favorisant l'acquisition de badges de compétences, en favorisant le travail collaboratif, en permettant la remontée d'informations, en favorisant la mixité des promotions et l'égalité des chances.

#2 Pourquoi avoir créé Ada Tech School ?

Le secteur de l'informatique manque cruellement de diversité, avec seulement 15% de développeuses et 10% de femmes en étude d'informatique. Le problème est que le numérique aujourd'hui crée le monde de demain et est façonné majoritairement par des hommes, ce qui ne lui permet pas d'être inclusif.

En effet, de nombreux algorithmes sont discriminants par manque de mixité des équipes de développeur·se·s. Nous avons dédié un article à ce sujet : https://blog.adatechschool.fr/les-biais-algorithmiques-ou-comment-le-code-est-injuste-et-discriminant/

Pour permettre une véritable inclusion des femmes dans le secteur tech et dans la société dans son ensemble, nous avons voulu repenser chaque maillon du modèle de l'école d'informatique : la communication, la sélection, la pédagogie. Ce qui fait qu'aujourd'hui, nous recevons 70% de candidatures féminines. Féminisme étant synonyme d'égalité, les hommes sont également les bienvenus au sein de notre école. Le but est de former des alliés, qui auront à travailler ensemble dans leur vie professionnelle future.

Nous avons donc créé Ada Tech School pour permettre aux femmes de trouver une école d'informatique bienveillante, où elles ne seront pas minoritaires et dans laquelle elle ne se retrouveront pas discriminées. Cette école leur permet d'accéder à des postes de développeuses, qui constitue un des métiers les plus recherchés sur le marché de l'emploi et dans lequel elles pourront faire bouger les choses.

#3 Bien qu'on fasse complètement partie de l'histoire de l'informatique, qu'est-ce qui fait qu'on soit aujourd'hui si peu de femmes dans ce secteur ?

Le manque d'intérêt des femmes pour l'informatique est la finalité d'une longue histoire lourde de stéréotypes et de sexisme. A l'époque de la naissance de l'informatique, les femmes ont joué un grand rôle dans son développement, notamment en codant. Mais elles restaient tout de même très marginalisées : elles étaient sous les ordres de concepteurs masculins, elles ne pouvaient pas accéder à des certifications de compétences car la matière était encore trop récente, etc... Cette forte implication des femmes dans l'informatique à ses débuts a fait qu'il s'agissait d'un secteur beaucoup moins sexiste que les autres, car très féminisé, ce qui attirait plus de femmes. Un super cercle vertueux à ce stade.

Voyant les limites des machines informatiques de l'époque, les ingénieurs (souvent des hommes) ont dû contourner les lenteurs des premiers ordinateurs. Les codes sont alors devenus plus complexes. Le métier de développeur·e·s a donc été revalorisé face à la charge et à la difficulté du travail qu'il nécessitait. Les femmes ont été exclues rapidement de ce secteur d'activité. Avec le développement industriel de l'informatique, les nombreuses femmes développeuses des années 70 ont voulu intégrer ce marché de l'emploi. Or, les recruteurs refusaient de les intégrer car cela symbolisait pour eux une "dévaluation du métier." Les femmes ayant moins accès aux études supérieures, n'ayant pas eu de certification de compétences à l'époque, elles n'avaient plus de crédibilité.

L'éducation patriarcale a ensuite joué son rôle : placement des premiers ordinateurs personnels dans la chambre des petits garçons, publicités orientées exclusivement vers la cible masculine, etc... Au moment des études supérieures, les hommes avaient donc un train d'avance sur les femmes. C'est ici que le cercle vicieux a commencé à prendre forme. Les femmes s'intéressent donc moins à l'informatique parce qu'on les a évincées, au fur et à mesure, de la montée en puissance de ce domaine d'activité, elles sont donc minoritaires et souvent discriminées.

Pour revaloriser les femmes actrices dans l'informatique, nous avons consacré une exposition gratuite : https://adatechschool.fr/exposition/

#4 À quelles difficultés les femmes font-elles face dans leur parcours ?

Les femmes subissent des discriminations. En effet, 70% de femmes disent avoir fait l'objet de sexisme dans le cadre de leurs études en école d'informatique. Ces discriminations sont aussi présentes dans les entreprises, les chiffres parlent encore d'eux-même dans ce cas : 41% des femmes quittent leur poste dans le secteur de l'informatique après 10 an de carrière. De plus, le salaire des femmes dans le secteur de l'informatique est 16% inférieur à celui des hommes. C'est pour toutes ces raisons que les femmes se désintéressent de ce secteur, en plus d'avoir été conditionnées par la société depuis le départ sur le fait qu'elles ne soient apparement par faites pour ça.

#5 Selon vous, qu'est-ce qu'il faudrait faire pour motiver davantage les femmes à rejoindre des filières Tech et à y rester ?

Il faut s'adresser spécifiquement à elles, leur offrir un environnement dans lequel elles se sentent bien, en confiance et en égalité avec leurs homologues masculins.

A côté, sachant que l'éducation au sens large les a éloigné de ce domaine, plutôt réservé aux hommes, il est nécessaire de les rassurer sur le fait qu'il n'y a pas de prérequis à avoir pour entamer une formation dans le domaine. C'est un métier qui s'apprend et cela ne devrait pas être un frein.

D'autres critères sont aussi attirants pour elles : la volonté croissante des entreprises à mettre en place une politique plus égalitaire et des systèmes anti-discrimination, l'offre de travail importante sur le marché de l'emploi, l'envie de vouloir travailler à rendre le monde plus juste, car le code façonne notre société, etc...

#6 Quelles sont les mesures concrètes que les entreprises devraient mettre en place pour lutter contre le sexisme ?

Notre formation fonctionnant en deux ans, avec une année d'alternance, nous avons des partenaires qui offrent des mesures concrètes pour contrer le sexisme en entreprise et plus largement les inégalités femmes-hommes.

Pour nous assurer de travailler avec des organismes respectant nos valeurs, nous avons mis en place une charte d'entreprise.

En premier lieu, une mesure concrète est de s'engager avec nous pour engager des apprenant·e·s en alternance qui ont des parcours variés, afin de diversifier les équipes.

Mais de multiples manières de s'engager pour l'égalité et contre le sexisme existent : notre partenaire ManoMano met en lumière des réussites féminines auprès des publics externes et internes.

Cela va aussi passer par des politiques adaptées de congés maternité, d'accès aux promotions, d'adaptation des horaires de travail pour permettre la gestion des enfants, de créer des mécanismes anti-harcèlement et discriminations au travail, etc...


Les Codeuses : un environnement de travail plus sain pour les femmes

Cette semaine, nous avons sorti l’article « Comment attirer et retenir plus de talents féminins dans les secteurs Tech ? ».

Pour répondre à ce sujet, pendant plusieurs mois, nous avons recueilli les témoignages d’une vingtaine de professionnelles et étudiantes ainsi que plusieurs organisations engagées dans la diversité et l'inclusion telles que Ada Tech School, Les Codeuses, Willa, Girls Can Code, Motiv'Her.

En plus de l’article, retrouvez les interviews complètes de :

Découvrez l'interview d’Aurore Pavan, fondatrice de l’agence Les Codeuses

Les Codeuses est une agence BtoB qui a pour vocation le développement de solutions pour les TPE / PME, la formation aux métiers du front-end et à l'entreprenariat pour des femmes non-diplômées ou en reconversion professionnelle.

#1 Pouvez-vous présenter votre agence ?

L'agence Les Codeuses est présente depuis 2016, mais ce n'est que très récemment que nous avons formé une petite équipe de designers et développeuses freelances.

Nous avons à coeur de développer des solutions pour les TPE / PME, qui nous confient la maintenance de sites, leur développement ou le design.

Nous allons également nous consacrer prochainement à la formation e-learning des métiers du front-end pour permettre à des graphistes, ou des freelances d'améliorer leurs compétences et de proposer d'autres services.

#2 Pourquoi avoir décidé de vous centrer sur les femmes ?

Le monde du web étant une industrie très masculine, il était important pour nous de créer un environnement où les femmes auraient plus de facilités que dans une entreprise lambda.

Nous sommes persuadées qu'en créant un environnement de travail plus sain pour les femmes, nous améliorons aussi celui des hommes qui collaborent avec nous. Des horaires de travail adaptés à la vie familiale et le recrutement de profils atypiques sont nos motivations principales.

La formation professionnelle des femmes non-diplômées est également un vrai problème. Il est très difficile pour elles d'être acceptées dans une formation classique de développement web ou webdesign, car les institutions (Pôle Emploi ou autre) demandent systématiquement un diplôme. Elles sont donc cantonnées à des métiers peu valorisants sans prendre en compte leur motivation et leur capacité d'apprentissage.

Certaines associations ou entreprises font un travail formidable en présentiel, mais les femmes éloignées géographiquement des grandes villes n'ont pas toujours la possibilité de faire garder leurs enfants pour suivre des cours 8h par jour à plusieurs dizaines de kilomètres, surtout en province. 

C'est pourquoi Les Codeuses proposera très prochainement des formations e-learning sur les métiers du front-end, du webdesign et de l'entreprenariat, à destination des femmes non-diplômées, en reconversion professionnelle ou en recherche d'amélioration de leurs compétences. 

#3 À quelles difficultés les femmes font-elles face dans ce milieu ?

Le manque d'informations sur les métiers du numérique est encore très répandu. Les croyances disant que les femmes sont plus douées dans le social que dans des métiers d'ingénierie sont encore très prégnantes dans nos sociétés occidentales.

Ces métiers méconnus souffrent encore de l'image de geeks boutonneux des années 80 / 90. Ces hommes qui ne sortaient de chez eux qu'en cas d'urgence, préférant leur ordinateur ou leurs jeux vidéos à une vie équilibrée et saine. Cela ne fait pas "rêver" les jeunes filles qui manquent cruellement de références féminines dans le milieu de la tech.

Des profils comme Ada Lovelace, sans qui le programme informatique n'aurait pas existé, ou de Susan Kare, designer de talent qui a créé la notion d'icônes facilitant la navigation sur les premiers Macintosh, sont très peu connues du grand public. Idem pour les dirigeantes de la tech. Tout le monde connaît les CEO de Facebook, Twitter, Google etc. Mais peu de gens savent que Marissa Mayer qui a dirigé Yahoo pendant 5 ans et qui était n°2 de Google avant cela. 

Si les jeunes filles manquent de références et d'informations, elles subiront malgré elles ce que la société leur impose et n'envisageront même pas d'étudier dans l'informatique.

Il y a aussi le sexisme, très présent dans toutes les sphères de la société où les hommes dominent largement. Beaucoup d'étudiantes en informatiques dénoncent régulièrement sur les réseaux sociaux ces blagues déplacées, allant parfois jusqu'au harcèlement sexuel, tout comme des collègues travaillant en entreprise d'ailleurs. 

#4 Comment préparez- vous les femmes à entrer dans un milieu professionnel majoritairement composé d'hommes ?

Chez "Les Codeuses", nous préférons mettre en place un système où les femmes se sentent bien, tout simplement. Nous estimons être des êtres humains, nous n'avons pas à faire un choix entre sa vie de famille et son travail ou le respect de sa personne et son job. Cela rend les gens plus heureux, et donc plus productifs et efficaces à leur poste.

Les femmes ne doivent cependant pas avoir peur de s'affirmer. Il est de notoriété publique que les développeurs ont parfois un ego surdimensionné. Tous les stratagèmes sont permis pour imposer sa façon de faire, avoir du caractère et une répartie intelligente suffit souvent à régler ce problème.

Nous leur disons simplement que pour ne pas subir, il faut agir. Dénoncer systématiquement les comportements déplacés et vulgaires permet aussi aux hommes qui en sont coupables de se rendre compte de leurs méfaits. Tous ne sont pas des prédateurs, et heureusement que l'on trouve des hommes de plus en plus aptes à agir contre le sexisme en entreprise. Le chemin est long, mais c'est un travail de chaque instant et cela nécessite donc une vigilance constante.

#5 Quels conseils donneriez-vous à une entreprise souhaitant recruter plus de talents féminins ?

Il y a des choses simples à mettre en place, qui ne doivent pas concerner uniquement les femmes, mais toutes celles et ceux qui travaillent au sein d'une entreprise.

Imposer des horaires fixes, le choix du télétravail partiel ou complet, ne jamais tolérer le manque de respect envers un ou une collègue, l'égalité dans les salaires et les promotions, sans que le congé maternité n'entre en ligne de compte.

Ce sont des mesures de bon sens qui ne coûtent presque rien, mais qui peuvent changer beaucoup de choses.

#6 Quelles sont les mesures concrètes que les entreprises devraient mettre en place pour lutter contre le harcèlement et la discrimination ?

Il faut d'abord imposer une vraie politique de tolérance zéro concernant le manque de respect, et pire, les agressions au sein des entreprises. 

Sous couvert d'avoir l'air "cool", on voit de plus en plus de startups où le jeu et l'environnement sympa se transforment en vrai cauchemar pour certaines femmes. Lorsque la familiarité est omniprésente, on s'expose plus facilement aux dérapages, et ce sont trop souvent les femmes qui en font les frais. Il est donc important de construire un environnement sécurisé où tout le monde est respecté.

Des formations contre le harcèlement et les discriminations existent également et permettent aux entreprises de sensibiliser tous les acteurs. Elles permettent souvent de faire prendre conscience des comportements nocifs et discriminants à des personnes qui n'en voyaient pas nécessairement le mal et de trouver des solutions concrètes pour améliorer la vie au travail.

Enfin, les entreprises peuvent agir de manière concrète en mettant en place une vraie mixité. Pourquoi se priver d'autodidactes curieux et débrouillards, de personnes en reconversion professionnelles, même si elles sont proches de la retraite, de personnes de différentes cultures ou convictions religieuses et surtout de femmes ? 

Le web est avant tout construit pour les utilisateurs. C'est notre rôle de concevoir des interfaces pour tous. Comment pouvons-nous prétendre le faire sérieusement si nos équipes ne reflètent pas les utilisateurs que nous sommes censés servir ? 

S'imposer un quota de femmes dans une entreprise permettra inévitablement d'agir efficacement contre le harcèlement. Plus on a de profils différents au sein d'une structure, moins des clans dominants se forment, permettant inévitablement de diminuer les discriminations. 

Si les entreprises n'agissent pas véritablement pour une meilleure mixité dans la tech, ce ne sera pas seulement la qualité de vie au travail qui en fera les frais, ni même la simple représentation des femmes dans ces métiers. Avec l'avènement de l'intelligence artificielle, ce sera tout un monde connecté qui sera prochainement biaisé en imposant un regard purement masculin et dont les femmes seront de fait exclues, ou en tout cas, qui ne se reconnaîtront pas dans les futures interfaces proposées.

Photo by Christina @ wocintechchat.com on Unsplash


Les stages Girls Can Code pour sensibiliser les jeunes filles à la Tech

Cette semaine, nous avons sorti l’article « Comment attirer et retenir plus de talents féminins dans les secteurs Tech ? ».

Pour répondre à ce sujet, pendant plusieurs mois, nous avons recueilli les témoignages d’une vingtaine de professionnelles et étudiantes ainsi que plusieurs organisations engagées dans la diversité et l'inclusion telles que Ada Tech School, Les Codeuses, Willa, Girls Can Code, Motiv'Her

En plus de l’article, retrouvez les interviews complètes de :

Découvrez l'interview de Mélanie Tchéou et Clarisse Blanco, membres de l’association Prologin, à l'initiative des stages Girl can Code!

Les stages Girls Can Code! sont des programmes qui visent à promouvoir la mixité dans le numérique, en initiant les collégiennes et lycéennes aux disciplines informatiques.

#1 Pouvez-vous présenter votre association ?

Prologin est une association fondée en 1992, portée par des étudiants. Elle est à l'origine du concours national d'informatique du même nom. Il s’agit d’un concours de programmation et d'algorithmique, gratuit et ouvert à tous les jeunes francophones de moins de 21 ans.

Depuis 2014, Prologin s’engage pour promouvoir la mixité dans le domaine du numérique. Pour cela, l'association organise les stages Girls Can Code : stages gratuits, d'initiation à la à l'informatique destinés aux collégiennes et lycéennes. Nous accueillons chaque année des dizaines de jeunes filles qui souhaitent découvrir ou s'améliorer en programmation.

#2 Pourquoi avoir créé un stage d’informatique pour jeunes filles ?

Cette initiative, qui a vu le jour en 2014, part du constat que les femmes sont sous-représentées dans le numérique. Pour y remédier, Prologin organise des stages, sur une semaine ou pendant un week-end, pour permettre aux collégiennes et aux lycéennes de découvrir la programmation. Ces stages se déroulaient initialement seulement à Paris, mais sont maintenant aussi organisés dans différentes régions françaises. Au cours de ces sessions, des femmes travaillant dans le numérique viennent présenter leur métier et parler de leur parcours. En plus d’une pure initiation au code, nous organisons des ateliers découverte : l’informatique ce n’est pas que la programmation !

L’objectif de Girls Can Code! est de leur faire prendre conscience qu’elles peuvent tout à fait y faire carrière et que ce n’est pas un secteur réservé aux hommes.

#3 À quelles difficultés les femmes font-elles face dans ce milieu ?

Le monde de l'informatique est très fortement masculin. En effet, on a tendance à associer les métiers du numérique aux hommes, ce qui laisse facilement la place aux stéréotypes et idées reçues, comme le fait qu'il s'agirait d'un métier pour les hommes, ou que les femmes seraient moins compétentes que les hommes.
Ces idées reçues facilitent aussi l’installation du sexisme ordinaire, ce qui peut en décourager plus d'une, ou au moins générer des difficultés pour certaines femmes à se faire respecter et/ou s'imposer.

Déjà en minorité dans l’informatique, les femmes sont également peu représentées dans ce domaine à travers les médias et la télévision. Nous n’avons donc à notre disposition, que trop peu de role models dont on peut s’inspirer et auxquelles s’identifier. Ce manque est aussi un vecteur qui peut amener plus facilement les femmes à s’interroger sur leurs compétences et leur légitimité dans ce secteur composé à majorité d’hommes. Cette remise en question permanente peut alors mener au syndrome de l’imposteur.

#4 Comment préparez-vous les jeunes filles que vous formez à entrer dans un milieu professionnel majoritairement composé d'hommes ?

L’association ne vise pas à former les jeunes filles à entrer dans un milieu professionnel composé majoritairement d’hommes. Le but des stages Girls Can Code! est plutôt d’initier les collégiennes et lycéennes à l’informatique et au code, à lutter contre les stéréotypes associés à notre discipline et à promouvoir la mixité dans ce milieu professionnel.

#5 Quels conseils donneriez-vous à une entreprise souhaitant recruter plus de talents féminins ?

Tout d’abord, nous tenons à préciser que nous sommes étudiantes et que nous n’avons pas forcément beaucoup d’expérience dans le monde du travail, hormis des stages. Pour cette question, nous nous appuyons donc sur notre expérience et ce que nous avons pu observer dans notre entourage.

Les femmes sont sous-représentées dans l’informatique en grande partie car elles pensent que ces études et ces métiers ne sont pas faits pour elles, mais aussi, en raison du manque cruel d’informations. Sensibiliser les plus jeunes à ce sujet, en menant, ou même supportant des actions visant à promouvoir l’informatique, peut permettre d’augmenter la part des femmes dans cette discipline. C’est déjà ce que font certaines entreprises qui soutiennent Prologin et ses actions à travers les stages Girls Can Code!

Ces initiatives ont tendance à viser un public plus jeune, mais certaines femmes en milieu voire même fin de carrière peuvent également se rendre compte que l’informatique est un domaine qui les intéresse, et décider de se lancer dans une reconversion professionnelle. Les entreprises pourraient les aider dans cette démarche, ce qui serait très encourageant pour elles et pourrait même pousser celles qui hésitent encore à se lancer.

Les entreprises peuvent également chercher à rendre l’environnement et l'ambiance de travail agréables et non-toxiques pour les femmes. Des sensibilisations auprès des employés pourraient participer à améliorer ce point.

Plus encore, le gender washing à outrance, présent dans certaines entreprises peut décourager des femmes à postuler et ainsi avoir l’effet inverse. Par exemple, lorsque cet engagement pour l’égalité des genres est plutôt utilisé à des fins de marketing pour se donner une bonne image et qu’en interne, cet engagement ne se poursuit pas forcément. Il paraît donc important de trouver un équilibre.

#6 Quelles sont les mesures concrètes que les entreprises devraient mettre en place pour lutter contre le harcèlement et la discrimination ?

De notre point de vue d’étudiantes, il nous est difficile de donner beaucoup d’idées concrètes, mais la plus évidente et la plus simple reste la sensibilisation. Sensibiliser les employés à ces thématiques nous paraît être la première étape dans la lutte contre le harcèlement et la discrimination, et cela n’est pas valable que contre le sexisme, mais aussi le racisme et autres formes de discrimination. Cela permettrait dans un premier temps à ceux qui ne se rendaient pas compte de la situation d’y être plus attentifs, et peut-être même les pousser à réagir aux actes discriminatoires et/ou de harcèlement. Dans un second temps, la sensibilisation pourrait en pousser d’autres à agir et mener par eux-mêmes des actions de ce type. Cela est d’autant plus efficace que la nouvelle génération tend à être plus engagée dans ce genre de démarches.

Une autre mesure pourrait être la mise en place de référents mixité dans les entreprises. Ce seraient des personnes qui auraient un rôle d’écoute auprès des personnes touchées par des actes de discriminations et de harcèlement, mais également qui seraient chargées de remonter ces problèmes à leur direction.

L’idée générale est de ne pas rester passif face à ce genre de comportements, en réagissant lorsque l’on en est témoin, et l’idéal serait d’être proactif pour prévenir ces actes, à l’aide de mesures de prévention comme décrit plus tôt.


Willa, l'association qui donne aux femmes le pouvoir d'entreprendre

Cette semaine, nous avons sorti l’article « Comment attirer et retenir plus de talents féminins dans les secteurs Tech ? ».

Pour répondre à ce sujet, pendant plusieurs mois, nous avons recueilli les témoignages d’une vingtaine de professionnelles et étudiantes ainsi que plusieurs organisations engagées dans la diversité et l’inclusion telles que Ada Tech School, Les Codeuses, Willa, Girls Can Code, Motiv’Her

En plus de l’article, retrouvez les interviews complètes de :



Découvrez l’interview de Flore Egnell, Déléguée Générale de Willa


 

Willa est un accélérateur d’entreprise qui oeuvre à plus de diversité et d’inclusivité dans les écosystèmes startup. Chaque année, l’équipe Willa accompagne des entrepreneur-e-s à lancer, accélérer ou développer leurs projets. L’ensemble de leurs programmes sont réservés aux projets qui ont au moins 1 femme dans leur équipe dirigeante, avec un réel rôle de décisionnaire.


#1 Pouvez-vous présenter Willa et ses actions ?

Willa œuvre depuis 16 ans pour accélérer la mixité dans l’entrepreneuriat en donnant aux femmes le pouvoir d’entreprendre. L’association accompagne plus de 70 startups fondées ou co-fondées par une femme par an et plus de 200 femmes via des bootcamps pour passer de l’idée à l’action par an. Nous avons ainsi plusieurs champs d’actions :
1. Accompagnement avec des programmes d’accompagnement pour des projets de la phase de l’idée jusqu’aux 3 premières années d’activité ;
2. Sensibilisation avec des plaidoyers et des événements de sensibilisation aux côtés de partenaires engagés et de collectivités locales impliquées dans les sujets d’inclusion et de diversité ;
3. Création et mise en lumière de rôles modèles accessibles avec la mise en avant d’entrepreneures et de startups fondées ou co-fondées par des femmes, dans les médias et événements de l’écosystème ;
4. Vulgarisation et démocratisation des codes l’entrepreneuriat avec des ateliers ouverts à tou.te.s et des événements pour donner à toutes les clés pour entreprendre et encourager les femmes de tous les horizons à se lancer ;
5. Déconstruction de biais de genre et de clichés sur l’entrepreneuriat, au travers de l’ensemble de ces actions.


#2 Pourquoi avoir créé Willa ?

Pour accélérer la mixité et la diversité dans le secteur de l’innovation et la Tech. L’association a été créée en 2005 pour lutter contre les biais de genre profondément ancrés dans la société et réduire les inégalités liées au genre dans l’entrepreneuriat. Aujourd’hui, WILLA élargit le spectre de ses actions et souhaite faire émerger de nouveaux profils pour créer et façonner le monde de demain : des femmes de tout âge et de tout horizons, pour refléter la société d’aujourd’hui et créer celle de demain.


#3 Bien qu’on fasse complètement partie de l’histoire de l’informatique, qu’est-ce qui fait qu’on soit aujourd’hui si peu de femmes dans ce secteur ?

Plusieurs raisons peuvent expliquer le manque de représentation des femmes dans le secteur de l’informatique :
1. La minimisation de la participation des femmes aux découvertes scientifiques et avancées dans le secteur de l’informatique, qui a conduit à un cruel manque de rôles modèles : les femmes ne s’identifient plus naturellement à ce secteur ;
2. Les biais de genre conscients et inconscients structurellement intégrés depuis l’enfance : les femmes doivent s’orienter vers des sciences douces (dites molles) et les hommes vers des sciences dures, comme l’informatique. Peu de femmes dans ces secteurs en font un milieu « hostile » pour les femmes ;
3. Un sexisme et une discrimination davantage présents dans ces secteurs, les rendant moins accessibles et attractifs pour les femmes.


#4 À quelles difficultés les femmes font-elles face dans leur parcours ?

Comme les hommes, les femmes se heurtent aux attentes liées à leur genre, qui malheureusement deviennent plus souvent des difficultés que pour leurs homologues masculins.
1. Le sexisme et les discriminations liées au genre, le harcèlement : altération de la confiance en soi, syndrome de l’imposteur, dépense d’une énergie à affirmer leur légitimité, qui pourrait être investie dans leur projet de carrière ;
2. La dévalorisation financière de leur travail, manque de confiance en leur compétences, plafond de verre, difficultés à lever des fonds… ;
3. La maternité : difficultés physiques et organisation du temps, idées reçues de l’entourage et pression sociale.


#5 Selon vous, qu’est-ce qu’il faudrait faire pour motiver davantage les femmes à rejoindre des filières Tech et à y rester ?

Il faut inspirer et donner de la motivation aux femmes qui souhaitent s’engager dans ces filières, car elles y ont tout à fait leur place. Il ne faut plus minimiser leur présence dans ces secteurs et il faut valoriser le travail des femmes dans la tech, pour créer des rôles modèles inspirants pour les générations en poste et celles à venir.
Pour changer les choses profondément, il faut donner envie aux jeunes filles et jeunes femmes de se saisir des enjeux de la tech dès le secondaire. Cela passe par l’éducation dès la petite enfance, puis par une sensibilisation dès l’enseignement primaire et et encore davantage encore au moment de leur choix d’orientation dans le secondaire.


#6 Quelles sont les mesures concrètes que les entreprises devraient mettre en place pour lutter contre le sexisme ?


La première choses qu’elles peuvent faire, c’est mesurer le degré de diversité et de mixité de leurs équipes, pour en analyser ensuite les potentielles retombées. L’état des lieux, c’est la première étape pour prendre conscience des enjeux de mixité et mettre en place une politique inclusive adaptée, en matière de recrutement notamment.

Elles peuvent ensuite mettre en place un recrutement inclusif : fixer des quotas à l’embauche, avoir des fiches de poste et une diffusion inclusives dans les termes utilisés dans la rédaction et les représentations sur les photos, définir un processus inclusif de recrutement… Par exemple, veiller à ce que les candidat.e.s rencontrent autant d’hommes que de femmes aux différentes étapes de recrutement.

Enfin, une fois les équipes en poste, il est important de favoriser l’égalité au sein des équipes avec des barèmes sur les salaires, des actions de sensibilisation et formation des équipes et la valorisation de rôles modèles et de bonnes pratiques.

 


CoolIt-diversite-en-enreprise

Diversité en entreprise : comment agir contre les discriminations raciales ?

Votre employé·e, ou votre collègue racisé·e, n’en parle certainement pas mais il-elle est probablement touché·e par des faits d’actualités qui atteignent négativement ses origines et sa culture.

Ces événements sont susceptibles de faire écho à des violences subies depuis plusieurs années au sein même de votre entreprise , dans sa vie privée. Ils/elles n’en parlent pas, car ils/elles craignent de subir des représailles et de perdre leur emploi.

La diversité, l’inclusion en entreprise, se reposent sur plusieurs piliers de tolérance, où les actions de l’entreprise doivent permettre aux personnes concernées de ne pas se sentir stigmatisées :

  • Les identités de genre
  • Les orientations amoureuses
  • L’âge
  • L’origine sociale
  • La condition physique
  • L’appartenance éthnique
  • Les croyances religieuses

L’article qui va suivre rassemble un ensemble de ressources (non-exhaustives) pour mettre en place des politiques de diversité et d’inclusion, sincères et concrètes.

Comment identifier et corriger les biais discriminants et favoriser la diversité en entreprise ?

Avant de corriger, il y a avant tout un travail de prise de recul à réaliser. La question « raciale » reste encore un sujet tendu et complexe à aborder en entreprise, et ce, pour des raisons multiples :

  • la peur du badbuzz et de perdre des clients ;
  • la peur du conflit ;
  • le refus de politiser des discours de marques ;
  • le refus de parler ouvertement de « race » et de différences culturelles ;
  • le manque d’informations et de ressources ;
  • dans les cas les plus obscurs, l’indifférence ou une volonté véritable de discriminer…

Pourtant, ce tabou autour de la diversité ethnique vaudrait la peine d’être levé. En effet, il ouvrirait le dialogue sur les biais décisionnels qu’un manque de diversité entraîne avec pour conséquences des opportunités d’innovation plus limitées, des talents qui préféreront rejoindre des entreprises plus inclusives ou encore des clients susceptibles de privilégier des entreprises qui les représentent davantage.

D’après l’Étude McKinsey 2017 “Why diversity matters” ces biais décisionnels réduisent la capacité d’innover et de répondre aux besoins des populations dans leur globalité. Les entreprises qui intègrent la diversité sont 33% plus susceptibles d’avoir des résultats financiers supérieurs à la moyenne. Quant au recrutement, 55% des employés considèrent l’engagement social d’une entreprise comme un critère plus important que le salaire, selon une étude de l’agence Cone Communications. Cette statistique monte à 76 % chez les Millennials

Mahzarin R. Banaji, professeure en Social Psychology à l’Université d’Harvard, a créé un outil appelé le « Test d’Associations Implicite (TAI) ». Ce test a pour objectif d’identifier les stéréotypes inconscients que nous pouvons avoir sur la base des questions de Genre, de Religion et d’Ethnicité.

Dans son dossier « Nous sommes tous biaisés », Welcome to the Jungle propose des articles courts afin de passer en revue plusieurs biais cognitifs qui affectent les décisions RH, et quelques solutions pour y remédier :

Comment lutter contre la discrimination à l’embauche et le harcèlement discriminatoire au travail ?  

#1- Se rappeler que la discrimination a plusieurs formes

Le Défenseur des Droits met à disposition des entreprises et des employés un certain nombre de ressources pour identifier et contrer les discriminations à l’embauche :

#2 – Se faire accompagner

  • Le cabinet Mozaïk œuvre depuis 2008 à accompagner les entreprises vers un recrutement plus divers et inclusif : https://mozaikrh.com/
  • Marie Dasylva, fondatrice de l’agence Nkali Works, accompagne les personnes minorisées, à se défendre et à saisir les personnes référentes quand ils/elles sont victimes de discrimination : https://www.linkedin.com/in/marie-dasylva/

Comment rebondir intelligemment et de manière pertinente aux faits d’actualités autour des luttes antiracistes ?

Pour engager une campagne antiraciste, il y a plusieurs sujets à éclaircir pour limiter le bad buzz, le délit d’opportunisme et les promesses employeur non-tenues :  

  • Être en mesure d’aligner image de marque, marque employeur, discours et conditions de travail : Le cas de la marque Anthropologie en est un « bon » exemple.
  • Questionner la place et le nombre de personnes racisées au sein de l’entreprise : Le cabinet Mixity permet la réalisation, en toute légalité, d’un audit indépendant de cartographie de la diversité en produisant des données. Ces dernières n’ont pas vocation à être diffusées au public, mais à donner des indicateurs en interne, qui doivent mener à des plans d’action.
  • Questionner sa communication externe, ses discours, ses images et ses symboles : Le cabinet Accordia propose des ateliers, formations et des outils ludiques pour accompagner les entreprises à questionner ses biais discriminants pour intégrer plus de diversité dans ses enjeux business.
  • Prévoir des actions concrètes à maintenir dans le temps : Les engagements et les actions contre le racisme ne sont pas des tendances. Pour que les messages restent authentiques, chaque campagne en soutien à une cause, doit générer des actions pérennes pour ne pas tomber dans les travers du «Washing»  

Quelques exemples d’actions entreprises par des grandes marques :

  • Pull up for change, mouvement lancé par Sharon Chuter, fondatrice et PDG de Uoma Beauty, qui vise à rendre public les statistiques éthniques, et les actions engagée par les entreprises contre le racisme
  • Stop talking, ACT, autour du mouvement Black Lives Matter, par Amélie Ebongué, experte en Social Media, autrice de « Génération TikTok : Un nouvel eldorado pour les marques »

Cet article est loin d’être exhaustif, et on espère qu’il vous aidera à identifier des axes d’amélioration pour que la diversité en entreprise devienne une norme.